Homo Domesticus (French Edition) by James C. SCOTT

Homo Domesticus (French Edition) by James C. SCOTT

Auteur:James C. SCOTT [SCOTT, James C.]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: La découverte
Publié: 2019-01-09T23:00:00+00:00


Quand les murailles engendrent l’État :

protection et confinement

Vers le milieu du troisième millénaire avant notre ère, la plupart des villes de Basse Mésopotamie étaient entourées de murailles, première carapace défensive développée par l’État. Bien que ces sites urbains aient généralement été de taille modeste – entre dix et trente-trois hectares en moyenne –, la construction et la préservation d’un périmètre défensif, même quand elles se réalisaient par étapes, exigeaient un travail intensif. Au niveau le plus élémentaire, ce que nous dit un mur, c’est qu’il y a derrière lui quelque chose de précieux méritant d’être protégé ou tenu hors de portée de ceux qui sont à l’extérieur. L’existence de murs d’enceinte est un indicateur infaillible de la présence d’une agriculture sédentaire et de stocks d’aliments. Et, comme pour confirmer cette association, lorsqu’une cité-État de ce type s’effondrait et que ses murailles étaient détruites, il était fréquent que l’agriculture sédentaire disparaisse elle aussi de son ancien territoire. C’était une pratique courante des conquérants que d’abattre les murs de la cité vaincue. La présence de ressources fixes, concentrées, convoitées et vulnérables au pillage engendrait de toute évidence une puissante incitation à les défendre. Leur concentration dans l’espace permettait de mieux les protéger, et leur valeur justifiait cet effort. Quant aux paysans, préserver leurs champs, leurs vergers, leurs maisons, leurs greniers et leur bétail était une question de vie ou de mort. Rien d’étonnant, dès lors, à ce que dans l’épopée de Gilgamesh, le roi fondateur érige des murailles autour de la ville afin de protéger son peuple. Si l’on s’en tenait à cette seule prémisse, on pourrait voir l’émergence de l’État comme une création conjointe – une sorte de contrat social ? – entre des sujets cultivateurs et leur chef (associé à ses guerriers et ses ingénieurs) visant à défendre leurs récoltes, leur bétail et leurs familles face aux incursions d’autres cités-États ou de peuples sans État.

Mais l’affaire est plus complexe. De même qu’un agriculteur peut avoir à défendre ses récoltes contre des prédateurs humains et non humains, les élites étatiques ont un puissant intérêt à préserver les piliers de leur pouvoir : une population de cultivateurs et ses greniers, leurs privilèges et leur richesse, leur autorité politique et rituelle. Comme Owen Lattimore et d’autres l’ont observé à propos de la Chine, la Grande Muraille (les Grandes Murailles, en réalité) a été érigée tout autant dans le but de confiner les paysans contribuables à l’intérieur de l’Empire que dans celui de maintenir les barbares (nomades) à l’extérieur. Les murailles de la ville étaient donc destinées à sécuriser les fondamentaux de la préservation de l’État. Les murs dits anti-Amorites qui se dressaient entre le Tigre et l’Euphrate servaient peut-être plus à maintenir les cultivateurs à l’intérieur de la « zone » étatique qu’à la protéger des Amorites (qui, de toute façon, étaient déjà installés en nombre important dans la région). Un spécialiste de la question soutient que la construction de ces murs découlait de la centralisation accrue d’Ur III et qu’ils servaient soit



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